Visite d'Amiens
17 et 18 septembre
DEM AACC et IAV
La mixité des usages
Beatriz Martinez, Lucie Ollivier, Juliette Rauscher
Le projet d’université de la Citadelle répond au besoin de la ville de rapprocher ses universités du centre d’Amiens. Déjà, les enseignements de droit , d’art et de sciences ont déménagé dans le centre urbain. En 2016, l’université Picardie Jules Verne hébergera le Pôle Humanités, tandis que les pôles médicaux occuperont l’ensemble du campus actuel, à proximité du centre hospitalier. A elle seule, la Citadelle accueillera 6 000 à 8 000 étudiants sur les 25 000 étudiants amiénois, devenant un élément considérable de l’ensemble universitaire.
Un changement urbain
Renzo Piano Building Workshop - Amiens Métropole - L'université - Olivier Caro
Les Textes :
D'après la visite des 17 et 18 septembre animée par Paul Vincent et les propos de Jean Pattinson, tous architectes de l'agence Renzo Piano Building Workshop
D'après la conférence inaugurale de Paul Vincent à l'ENSAL en septembre 2015
Iconographie :
1 D'après les documents de l'agence Renzo Piano Building Workshop
2 Photos prises au cours de la visite des 17 et 18 septembre
3 Schémas réalisés par Beatriz Martinez
4 Schémas réalisés par Juliette Rauscher
Sources
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Les acteurs du projet
Schéma de l’implantation des universités
La genèse du projet
Bâtie au XVIe siècle sous le règne de Henri IV, la Citadelle a longtemps été une forteresse assurant la défense d’Amiens. Son rôle a peu changé dans le temps, devenant un terrain militaire à la charge de l’Etat. Ce n’est que dans les années 70 que l’Etat restitue ce site à la ville, qui l’exploitera pour l’activité de ses pompiers. Amiens lance finalement en 2001 le concours pour la création d’une université dans la Citadelle.
Parmi les participants à ce concours, Jean Nouvel fait une proposition radicale et opposée à la volonté de la ville: ne pas exploiter la Citadelle, la laisser vierge de toute activité et la transformer en parc-mausolée à la mémoire des drames survenus en ce lieu. A l’inverse, Renzo Piano décide de respecter l’histoire du lieu et le programme: remplir pleinement de vie le site, l’ouvrir non seulement aux étudiants mais aussi à toute la population à travers une mixité des usages. Cette proposition séduit Amiens qui lui confie la maîtrise d’oeuvre en 2010. L’idée de R. Piano suppose de réinterroger le programme, de l’adapter pour que la fonction universitaire coexiste avec d’autres fonctions. L’ouvrage étant à destination du public, les Amiénois sont intégrés dès le choix du concours dans la discussion. Des visites de chantier et des échanges d’idées organisés avec le public, attirant surtout les comités de quartiers, permettent aux habitants de découvrir le potentiel du lieu et d’exprimer leurs attentes. Amiens Métropole, en charge de la maîtrise d’ouvrage, rencontre aussi les associations culturelles (danse, musique, théâtre, patrimoine...) pour évaluer leurs besoins.
La livraison du projet est prévue pour avril 2016, à l’issue de laquelle Amiens Métropole le remettra à l’université qui en sera le principal propriétaire. Amiens Métropole conservera plusieurs locaux à usage public.
Schéma d'organisation de la maîtrise d'ouvrage
Une liaison
Le projet de la Citadelle provient aussi d’une volonté de lier les quartiers Nord d’Amiens, réputés en difficulté, au centre-ville. Déjà, la municipalité avait relié les deux quartiers en dessinant l’avenue Charles de Gaulle. Le tracé de cette voie longeant la Citadelle avait résulté en la destruction des deux bastions Est de la forteresse. Un simple mur de briques non protégé ferme aujourd’hui l’enceinte à cet endroit. Ce qui fut une destruction impensable est aujourd’hui une opportunité. Une fois le mur de briques abattu, la Citadelle sera largement ouverte sur la ville, sans besoin d’abîmer davantage ses murs. Le reste de l’enceinte deviendra aussi perméable avec la conservation de deux portes existantes et la création d’une passerelle piétonne en direction des quartiers Nord.
Un point d’ancrage entre le centre et le nord
Passerelle piétonne menant au nord
Pour que cette ouverture soit efficace, l’attractivité du site est aussi en jeu pour inciter les habitants à s’approprier le lieu. La Citadelle est donc largement aménagée en parc urbain. Durant les concertations, les Amiénois se sont montrés enthousiastes vis-à-vis de ce nouvel espace vert unique, proposant l’installation de gradins sur les bastions, d’aires de jeux pour enfants permettant au parc de vivre pleinement.
L’ouverture vers la ville n’est pas simplement physique. L’ensemble du projet est dessiné pour offrir aux usagers une richesse de points de vue sur la ville. La tour signal s’élève en réponse à la cathédrale et surplombe l’ensemble des bâtiments pour voir au-delà. Sur le casernement, un belvédère public ouvre le regard à 360° sur Amiens. Même depuis les salles de classe, les points de vues sont étudiés.
Avec ces objectifs, le projet affirme clairement son ouverture à la ville, au public. Ce n’est pas un parc universitaire isolé, mais «une université dans un parc public».
Schéma de la perméabilité avec la ville
Vues depuis le belvédère public
Vue depuis la tour signal
Un programme innovant
La mixité des usages proposée consiste à intégrer des éléments urbains au sein du campus pour qu’il devienne un réel quartier d’Amiens.
Dans un premier temps, elle est un enjeu majeur du projet, car elle permet de favoriser l’appropriation du site par l’ensemble des Amiénois et non pas par les étudiants uniquement, et d’éviter l’effet « ghetto universitaire ». Elle permet l’utilisation d’un espace de vie en dehors de ses utilisations « standards » s’ouvrant ainsi le weekend ou durant les vacances.
Cette mixité et son appropriation urbaine s’associent de très près à un autre enjeu primordial du projet : le désenclavement des quartiers nord, qui actuellement sont coupés du reste de la ville d’Amiens et sont en cours de réflexion pour un renouvellement urbain.
Schéma de l'affluence, des lieux animés
Jardin entre les rues intérieures
Pour cela, le projet s’est concentré sur plusieurs usages :
- Une grande place aux utilisations variées telles que des concerts, des cinémas en plein air, ou encore des marchés. Pour cela, la place a été pensée en termes de capacité, de charges, de puissance électrique…
- La présence de commerces ouverts en dehors des activités universitaires de type brasserie (RDC de la tour signal) et café (RDC du préau entre le bâtiment neuf de l’administration et les écuries), et d’autres encore qu’il reste à déterminer.
- Une bibliothèque municipale, dimensionnée afin d’accueillir des universitaires, mais aussi les Amiénois
- Un amphithéâtre à but pédagogique, dimensionné pour 500 personnes, accueillant aussi des programmations culturelles, des séminaires. Lors des représentations, la rue intérieure attenante sert de hall.
- Des salles adaptées et à disposition des associations ou des clubs, certaines disposant d’une entrée indépendante, de sanitaires ou de vestiaires.
- Des lieux d’agréments, tels qu’un parc ouvert à tous pour lequel les habitants se sont montrés fort intéressés, ou des rues intérieures semblables à des jardins d’hiver dans lesquels on peut flâner.
- Un gymnase ouvert aussi bien à la ville qu’à l’université
- Un préau possèdant une passerelle de sécurité agrandie afin d’y installer des spots lumineux et organiser des concerts dans cet espace
Au travers de cette mixité des usages gérée essentiellement par deux propriétaires des lieux (l’université pour l’ensemble et Amiens métropole pour certains locaux), il existe une possibilité pour l’université de faire du bénéfice sur la location de ces espaces.
Un cinéma plein-air sur la place
La scène de l'amphithéâtre 500 places
Un outil adapté
Légende des espaces d’animation du site
Places publiques
Surfaces commerciales
UPJV Usage mixte
UPJV Bibliothèque
UPJV Restauration
Bornes fixes, retractables
Contrôle accès véhicules
Fermetures nocturnes
Pour mettre en place cette mixité des usages, un outil programmatique innovant a été créé par Olivier Caro (directeur de l'agence de conseil et d’ingénierie de projets B.O.C: les fiches d’usages. Chaque espace partagé dispose de sa fiche décrivant les activités qu’il peut accueillir, les acteurs qui peuvent investir l’espace, les descriptions techniques, l’accessibilité, la logistique, la sécurité, le stockage, les équipements... Une vingtaine de fiches permet ainsi à l’université et à Amiens Métropole de gérer simplement l’ensemble des espaces partagés. De leur côté, les associations ont à leur disposition un moyen de savoir quels espaces sont adaptés à leur activité.
Exemple d’une fiche d’usage: le Préau
La gestion de ces espaces à usages mixtes sera partagée entre Amiens Métropole et l’université, après la signature d’une convention. La création de deux commissions oeuvrant ensemble est donc prévue mais l’idéal serait la mise en place d’un organisme indépendant missionné par les deux institutions. Cependant, cette délégation a un coût que les autorités et l’université ne sont pas encore prêtes à assumer. L’université va déjà devoir faire face à un défi de taille avec l’organisation d’un campus d’un nouveau genre. Elle dispose de son propre budget et de nouveaux revenus, mais va subir aussi de nouvelles charges et responsabilités. De son côté, la municipalité rechigne à financer un tel organisme car elle ne perçoit pas la Citadelle comme un équipement propre mais comme un site abritant plusieurs entités distinctes. Il faudra donc du temps pour que l’université s’adapte et que la municipalité soit convaincue du fonctionnement de la Citadelle.
Schéma du partage futur de la gestion des locaux partagés
Pour en savoir plus sur les boîtes signal
Elles sont le symbole de la mixité d’usage. Du fait de leur implantation sur la place publique, elles affirment le parti pris de l’architecte et l’engagement de la ville et de l’université dans le partage de la Citadelle avec les Amiénois.
