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Qu’est-ce qu’une charpente à chevrons formant ferme ?
Les charpentes à chevrons formant ferme apparaissent pour la première fois au XIème siècle pour être employées jusqu'au XVIIème siècle. Ce type de charpente est caractérisée par la présence d'un élément triangulaire constitué au minimum par 3 pièces de bois, qu'on appelle ferme. Il n'y a pas d'éléments transversaux entre les fermes pour en assurer la stabilité, celle-ci étant assurée par les fermes elles mêmes ainsi que par la couverture qu'elles supportent. En effet, les fermes constituent le réseau structurel principal de la toiture. Il existe un réseau secondaire de structure, qui est composé de pièces internes comme des potelets, des entrait retroussé etc. Ces éléments secondaires, dont la présence se justifie par des efforts de flexion au sein de la structure primaire, changent selon les époques que se soit par leur nature ou leur nombre.
Quelle est la différence avec une charpente à pannes ?
Un autre type de charpente peut être observé à la même époque : la charpente à pannes. Ici, des éléments transversaux sont employés pour contre-venter la structure du toit : des pannes et pannes faîtières font leur apparition dans la construction de toitures. Ce sont des éléments linéaires qui « portent » les chevrons, mais aussi les liteaux et voliges. Parallèles aux murs goutteraux, ils sont soit supportés par la maçonnerie : murs pignons ou de refend ; soit par les fermes.


Charpente à chevrons formant ferme. Source: Thèse de doctorat par Rémy MOUTERDE
Charpente à panne. Source:
Thèse de doctorat par Rémy MOUTERDE

Charge du toit sur les chevrons (1) et le poinçon (2).

Réponse des entraits retroussés à la charge du toit (3).

Réponse des contrefiches inclinées(4) face au vent.
Évidemment, installer tous les 60cm autant d’éléments de bois représenterait une masse matérielle inconsidérable. Pour éviter une pénurie du matériau, on évitera de placer tous les éléments à chaque ferme de la trame. La réponse à cette problématique est simple : plutôt que d’avoir toutes les fermes identiques, on mettra en place une trame où seules quelques fermes possèdent les pièces horizontales et diagonales. À Amiens, une ferme principale pour cinq fermes secondaires.


Hypothèse où toutes les fermes sont identiques.
Trame de fermes principales et secondaires.
Dernière problématique remarquée à Amiens, dans la trame, les fermes secondaires subissent des déformations vers l’extérieur de la charpente. Ces déformations sont dues à la descente des charges de toiture, ainsi qu’à la forme triangulaire qui caractérise la charpente. On verra alors l’intérêt des pièces de maçonnerie appelées sablières ou pannes sablières (5 sur le schéma). Il s’agit d’éléments horizontaux linéaires, placés sur les bords de la toiture, en continuité des murs de la cathédrale. En encastrant la charpente, ils empêchent celle-ci de se déformer à sa base.


Poussée latérale des chevrons secondaires.
Réponse des pannes sablières(5) à la poussée.
En quoi la cathédrale d’Amiens est-elle innovante ?
Les différents éléments qui constituent la charpente de la cathédrale témoignent d’innovations structurelles. Ces différentes innovations répondent à des problématiques matérielles (quantité de matière première: le bois), structurelles (poids propre de la structure, vent, etc.) À Amiens comme ailleurs, on veut améliorer la hauteur et la portée de la charpente. Il faut donc augmenter la section des éléments de bois qui la constituent: les chevrons (1 sur le schéma) et le poinçon (2 sur le schéma); ce qui induit une hausse de la masse propre de la structure et donc une amplification des effets mécaniques qu’elle subit.
En parallèle, la surface de la toiture est plus importante, il en va de même pour sa masse. Nous arrivons alors à la première problématique à laquelle va répondre la charpente: comment répondre d’une augmentation équitablement répartie de la masse sur les chevrons?
On verra alors la mise en place d’éléments dits entraits retroussés (3 sur le schéma), soit un élément horizontal qui vient se placer entre les deux chevrons, de part et d’autre du poinçon. L’entrait retroussé empêché alors la déformation des chevrons et vient les renforcer. Ce système est efficace pour une charge équitablement répartie, c’est en quelque sorte une réponse à la gravité.
Mais que se passe-t-il lorsqu’une charge non équivalente vient s’appliquer sur un an ou l’autre de la toiture ? C’est le cas du vent par exemple, qui viendra pousser contre un pan de toiture et «aspirer» l’autre. On a alors une poussée différentielle. D’où la seconde innovation : les contrefiches inclinées (4 sur le schéma). Il s’agit d’éléments diagonaux qui viennent se placer entre chevrons et poinçon. Ainsi, lorsqu’un pan de la toiture sera soumis à une poussée plus importante et ponctuelle due au vent, la pièce travaillera en compression et viendra appuyer le travail du chevron.

LA CHARPENTE À CHEVRONS FORMANT FERME
Camilla Russo, Jean-Baptiste Cotte-Pallisé, Dmitriy Voytsitskiy




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Maquette de la charpente de la cathédrale.
Photographie : Henri Deneux
Sources:
Thèse de doctorat de l'université Paris-Est "Morphogénèse des charpentes à chevrons formant fermes" par Rémy MOUTERDE
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